9 avril 2019

Tunis, le 09 Avril 2019,

A l’occasion de la fête des martyrs les organisations de la coalition pour la justice transitionnelle :

• Déplorent la situation difficile et indigne à laquelle sont confrontées les familles des martyrs et blessés de la révolution depuis des années  à cause  de la négligence par les autorités  de leurs  dossiers  et du retard flagrant et inacceptable mis dans la publication de la liste finale des martyrs et blessés de la révolution. Par l’occasion,

• Expriment  leur solidarité avec les familles  et appellent  le chef du gouvernement à  publier  incessamment la liste au journal officiel.

Dans le cadre de leur engagement pour le suivi et l’appui du processus de justice transitionnelle et après  la publication du rapport final de l’Instance Vérité Dignité les mêmes organisations :

1. Saluent la publication du rapport, et appellent avec insistance à sa publication au Journal Officiel de la République Tunisienne conformément aux dispositions de l’article 67 de la loi organique 53-2013

2. Affirment leur volonté à travailler sur la diffusion de ses conclusions à grande échelle.

3. Veillent à la poursuite du processus de la Justice transitionnelle tel que le garantit la Constitution tunisienne dans son article 148-9 et tel que le prévoit la loi organique 53-2013 relative à l’instauration et l’organisation de la justice transitionnelle. Il s’en suit qu’elles refusent tout autre texte de loi qui porterait atteinte au processus de la justice transitionnelle et qui menacerait ses mécanismes en place.

4. Appellent le gouvernement tunisien à s’engager officiellement et fermement pour élaborer un plan d’action et des programmes d’application des recommandations contenues dans  le rapport final de l’IVD concernant les réformes institutionnelles pour garantir la non répétition des violations graves des droits humains et des crimes économiques, et celles relatives à la préservation de la mémoire  collective et à l’aboutissement  du processus à  la réconciliation nationale.

5. Revendiquent que la coalition et l’ensemble de la société civile soient consultés et associés à toute initiative publique relative à la justice transitionnelle sur la base de la loi 53 y compris la formulation du plan d’action, notamment les initiatives de l’Etat avec ses partenaires nationaux et internationaux.

6. Reconnaissent le droit des victimes des anciens régimes à la réparation individuelle et collective, et à la réhabilitation et nous appelons à la concrétisation par l’Etat des décisions de l’IVD relatives à ces réparations. A cet effet,  elles exigent  une gestion transparente et indépendante du Fonds de la Dignité.

7. Plaident pour la création d’une instance dotée de l’indépendance administrative et financière  pour la préservation de  la mémoire nationale comme le prévoit l’article 68, ou à défaut, à la réforme du cadre légal de l’institution des Archives Nationales afin que celle-ci réponde aux spécificités des archives de la justice transitionnelle, qu’elle soit renforcée et habilitée à accueillir, sécuriser et gérer les documents de l’IVD et pour qu’ ils soient  accessibles ainsi qu’à assurer la préservation de la mémoire nationale.

8. Affirment fermement  leur croyance  dans l’importance des chambres criminelles spécialisées dans la justice transitionnelle, en tant que véritable gage  de la réussite du processus de la justice transitionnelle et ultime garant de la révélation de la vérité et de la lutte contre l’impunité, pour que les  auteurs des violations graves des droits humains rendent comptes de leurs actes, et pour que les victimes obtiennent justice et réparation. A cet effet, elles travailleront activement sur la valorisation et le renforcement des chambres spécialisées , et  à leur protection institutionnelle, en partenariat avec le Conseil Supérieur, de la Magistrature, et œuvrerons aussi pour une meilleure visibilité du travail des chambres, qui s’inscrit dans le processus de la lutte continue pour l’indépendance du pouvoir judiciaire, afin  qu’il puisse  constituer à travers les chambres un recours effectif pour les victimes,  pour la reconnaissance de leur droit à la justice et à la vérité et une réelle garantie pour l’ensemble de la société  pour la non répétition et contre l’impunité.

9. Exhortent le gouvernement tunisien à assumer ses responsabilités pour  assurer la sécurité des magistrats des chambres spécialisés contre les pressions et les menaces grandissantes à leur encontre surtout celles provenant des syndicats des forces de l’ordre.  De même  elles  exhortent le ministère de l’intérieur à exécuter les mandats d’amener émis par les chambres spécialisées conformément aux articles 142 du Code des Procédures Pénales et de l’article 110 du Code Pénal.

10. Appellent le Conseil Supérieur de la Magistrature à œuvrer en urgence pour assurer la stabilité  des magistrats des chambres spécialisées, et  leur permettre de bénéficier de promotions et de privilèges analogues à ceux de leurs collègues des autres pôles judiciaires, pour assurer leur formation continue et de qualité,  et aider les présidents des tribunaux afin d’établir des politiques de juridictions en vue d’une gestion prioritaire des procès de justice transitionnelle conformément à loi n°17 du 12 juin 2014.

11. Proclament le maintien  de leur engagement  en vue de mettre en avant la justice transitionnelle tout en démontrant son lien indéfectible avec la transition démocratique. A cet effet, elles  œuvreront à l’ouverture d’un  un débat sérieux sur la justice transitionnelle dans le contexte électoral des élections législatives et présidentielles de 2019.

12. Suivront la mise en œuvre des réformes institutionnelles inspirées des recommandations du rapport final de l’IVD par la commission parlementaire créée à cet effet, à travers la création et le pilotage d’une matrice numérique regroupant les réformes par catégorie. La coalition se réunira régulièrement avec les représentants du peuple et les acteurs du gouvernement concernés par le plan d’action, et travaillera en parallèle sur la vulgarisation de la matrice au sein du grand public.

13. Travailleront ensemble sur les objectifs ultimes de la justice transitionnelle à travers le partage du savoir et du savoir-faire de chaque organisation membre, et la coordination transparente de leurs actions de plaidoyer.

Organisations signataires :

– Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH)

– Association des Magistrats Tunisiens (AMT)

– Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDH)

– Al Bawsala

– Avocats Sans Frontières (ASF)

– Organisation Contre la Torture en Tunisien

– Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement (AFTURD)

– Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD)

– No Peace Without Justice

– Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)

– ADLI

– International Alert

– Coordination Nationale Indépendante pour la Justice Transitionnelle (CNIJT)

– Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques (AISPP)

– Observatoire Tunisien des Lieux de Détention

– Association Al Karama

– Association Justice et Réhabilitation

– Association des familles des martyrs et blessés de la révolution (AWFIYA)

– Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH)

– Human Rights Watch

– International Commission of Jurists (ICJ)

– International Center for Transitional Justice (ICTJ)

– Al-Kawakibi Democracy Transition Center

– INSAF pour les Anciens Militaires

– Coalition Tunisienne Dignité et Réhabilitation

– Organisation du martyr de la liberté Nabil Barakati

– Réseau Tunisien de la Justice Transitionnelle (RTJT)

– DAAM